Nelson Mandela : « Non, à l’apartheid » est une œuvre de Véronique Tadjo éditée en 2010 par Actes Sud Junior (France) et rééditée en 2015 par les éditions Eburnie (Côte d’Ivoire). Le livre de 96 pages, écrit à la première personne, retrace les grandes lignes du parcours du grand leader Sud-Africain Nelson Mandela, de son arrivée à Johannesburg jusqu’à son accession à la présidence de son pays.

On y découvre la lutte acharnée, pacifique mais souvent armée de l’ANC, pour sortir l’Afrique du Sud de la domination blanche. Les 13 chapitres du livre sont une rétrospective sur 53 ans de la vie de Madhiba, ce héros africain qui a fait faire à son pays, un grand pas vers la liberté. « Juin 1946 », premier chapitre du livre, présente Mandela comme un anonyme qui arrive dans la ville de Johannesburg et qui décrit son ressenti devant une cité magnifique mais totalement créée par la volonté humaine. « Johannesburg, le 27 avril 1994 », un dernier chapitre qui décrit les espoirs de l’homme qui est élu président de l’Afrique du Sud après 27 ans passées emprisonné, loin des siens.
Parler pour Mandela ?
J’ai dû marquer une pause à la fin du premier chapitre, intriguée (page 15). Je me suis rendue compte que l’auteure parlait pour Mandela. Véronique Tadjo est ivoirienne, écrivaine, et même après avoir vécu 14 ans en Afrique du Sud, a-t-elle la légitimité pour dire « Je » pour Mandela ?
Au décès de l’homme, Barack Obama a tenu un discours des plus poignants. Il a déclaré devant une foule immense venue rendre hommage à l’illustre disparu : « Quand nous aurons mis en terre ce grand libérateur, que nous aurons regagné nos villes et villages, et repris notre train-train quotidien, essayons de trouver sa force (…) sa générosité de cœur ». L’ancien président des USA a exhorté les milliers de personnes présentes aux obsèques de Madhiba, à trouver Nelson Mandela, chacun en son for intérieur. C’est certainement ce qui confère à l’auteure le droit et toute la légitimité pour faire parler Mandela.
D’ailleurs, c’est une véritable réussite puisque l’auteure réussi à traduire au lecteur les sentiments qui étreignaient le principal personnage à chaque étape de son périple. Véronique Tadjo réussit à faire part des regrets d’un homme qu’on a toujours voulu ou présenté comme fort, inébranlable. Sa douleur de ne pas avoir eu à ses côtés sa femme à un moment crucial de sa vie, d’avoir dû faire passer les batailles de son parti politique avant sa famille. Elle nous présente un Nelson Mandela qui devant les difficultés du quotidien a pu être tenté d’emprunter un raccourci. « Pourtant aujourd’hui, je réalise que le vrai danger pour moi, ce ne sont pas les voleurs ni les trafiquants qui opèrent dans la ville, mais la faiblesse que je sens en mon for intérieur et qui pourrait le pousser à accepter la proposition de Sandile » page 25.
On est embarqué dans l’intimité de Nelson Mandela, découvrant ses peurs, ses attentes profondes, ses regrets et ses victoires. C’est un privilège.
Comme elle le confiait à Jeune Afrique, Nelson Mandela : Non à l’apartheid est une œuvre destinée aux jeunes gens (voir interview en date du 19 octobre 2010). L’idée est de les emmener plus loin que le Nelson Mandela, homme politique, pour ensuite leur faire découvrir le combattant farouche et engagé. Ils pourront ainsi s’identifier à l’homme pour qu’à leur niveau, selon leur capacité, ils deviennent le prolongement du combat de cet homme qui n’appartient plus seulement à l’Afrique du Sud ou l’Afrique tout court mais au monde entier et à toutes les générations.

Ni Nelson Mandela, ni son combat ne peut être considéré comme parfait. La magie réside plutôt dans les exploits accomplis malgré les limites humaines, mais surtout l’impact sur des peuples de divers horizons. Et comme tout être humain investi d’une si grande mission, le regret et le désespoir sont parfois des compagnons de route. « Winnie, ma femme, ma compagne de tous les toujours, est absente car elle ne partage plus ma vie. Nous sommes séparés… Notre union n’aura finalement pas résisté aux pressions constantes que la lutte contre l’apartheid nous a fait subir. »
La beauté de certains passages
Les livres de Véronique Tadjo ont ceci d’unique : l’écriture parait simple, mais tellement profonde. Avec des mots savamment choisis, elle est capable de ressortir ce qu’il y a de plus pur et de plus vrai dans une réalité.
« Sandile éprouve une rage qui vient de loin et qu’il a du mal à contenir. Elle prend la forme d’un cynisme amer, mais le désespoir se cache entre ses mots. » Page 24.
« A minuit, sous les lampes qui diffusent une lumière rouge, Miriam Makeba, la chanteuse noire à la voix empreinte de Soul et de refrains Zoulous, monte sur scène (…) Les belles voix nous touchent par leur rythme, les grandes voix nous vont droit au cœur. » Page 26.
Véronique Tadjo est ivoirienne par son père et née d’une mère française. En 2005, elle remporte le prestigieux Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire pour son oeuvre Reine Pokou (Entre 2007 et 2015, elle dirige le département Français et d’études francophones de l’université du Witwatersrand en Afrique du sud.
Vanessa ALABI
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